vendredi 28 décembre 2007

Temps Orageux au Kosovo

Le Conseil de Sécurité de l'ONU a récemment reporté la probable indépendance de la province serbe du Kosovo à janvier 2008 au lieu de décembre 2007, initialement prévu. En effet la communauté internationale, en particulier la "troïka" (UE, Etats-Unis et Russie) se trouve actuellement dans une impasse en ce qui concerne le statut à accorder au Kosovo. La province appartenant officiellement à la Serbie mais dans les faits se présentant comme un protectorat des Nations-Unis est peuplée majoritairement de musulmans albanais qui réclament depuis plus d'une décennie leur indépendance de Belgrade. L'OTAN est intervenue en 1999 pour mettre fin aux exactions et à l'épuration ethnique des forces armées de la Serbie qui s'opposaient aux rebelles de l'UÇK (l'armée de libération du Kosovo). Depuis, les Albanais du Kosovo attendent avec impatience l'indépendance.

Mais la Serbie s'oppose fermement à ce qu'elle considère comme l'amputation d'un quart de son territoire national. Il se trouve qu'en plus, le Kosovo est le lieu de l'épique bataille qui opposa les Serbes aux envahisseurs turcs en 1389. Cet affrontement mythique pour la culture serbe se solde par une défaite des Slaves et marque la fin de l'indépendance du royaume de Serbie pour près de cinq cent ans. Le Kosovo revêt donc aux yeux des nationalistes serbes une importance capitale. D'après eux, le peuplement albanais de la région a été provoqué par l'occupation ottomane qui a favorisé la conversion à l'islam. Pour les indépendantistes, les Albanais sont les descendants des Illyriens qui peuplaient dans l'Antiquité l'actuelle ex-Yougoslavie (appelée Illyrie par les Romains) et leur présence au Kosovo serait donc antérieure à l'arrivée des Slaves. Au début des années 90, avec l'effondrement en Europe de l'Est du communisme et la chute du Rideau de Fer, la Yougoslavie se morcelle et sombre dans la guerre civile. En 1991, la Slovénie quitte la fédération yougoslave, suivie par la Croatie puis par la Macédoine. Le morcellement des Balkans se poursuit avec la guerre en Bosnie (1992 - 1995) et, plus récemment, l'indépendance du Monténégro en 2006. Le Kosovo semble vouloir suivre l'élan mais à la différence que la région n'était pas une république fédérée yougoslave mais juste une province serbe autonome jusqu'à la suppression de cette autonomie par Slobodan Milo
šević au début des années 90. Si Belgrade ne s'est pas opposée à la sécession du Monténégro, elle compte bien le faire pour le Kosovo qu'elle juge comme partie intégrante de son territoire national et cœur d'un certain patrimoine historico-religieux même si dans les faits elle ne contrôle plus la région depuis l'intervention de l'OTAN et l'arrivée des Casques Bleus. La diplomatie serbe du président Boris Tadić essaie de troquer le maintien de la province dans la Serbie contre une très large autonomie. En cas d'indépendance (le pays ne pourra s'y opposer militairement à cause de la présence internationale), la Serbie rompra ses liens diplomatiques avec tous les pays reconnaissant le nouvel Etat, notamment l'Union européenne qui promet de faciliter l'adhésion de Belgrade en échange de la reconnaissance du nouveau statut dans les Balkans.

Les Albanais du Kosovo quant à eux menacent en cas de non-satisfaction de leur demande d'indépendance, de la proclamer eux-mêmes sans attendre l'avis de la communauté internationale. Cela provoquerait de nouvelles violences entre les communautés, notamment contre les minorités serbes encore présentes au Kosovo. La troïka qui ne veut pas voir un nouveau conflit en ex-Yougoslavie hésite dans sa démarche et est confrontée à des divergences internes. La Russie s'oppose elle aussi fermement à l'indépendance, premièrement par solidarité avec sa "petite s
œur" slave et orthodoxe, deuxièmement par crainte de répercussions sur la Tchétchénie. Car si la communauté internationale accepte les revendications d'indépendance d'une province, alors pourquoi ne pas favoriser l'indépendance de la Tchétchénie ? Même dissensions chez les Européens : l'Espagne émet des réserves sur le sujet par crainte d'une justification des revendications basques ou catalanes. Certains observateurs voient l'indépendance du Kosovo comme la porte ouverte à tous les séparatismes régionaux : Flamands en Belgique, Turcs à Chypre, Corses en France et aussi Serbes en Bosnie. En effet la République serbe de Bosnie, composante de la Bosnie-Herzégovine avec la Fédération croato-musulmane pourrait faire sécession. Même scénario catastrophe pour la minorité serbe du Kosovo, majoritaire dans une partie du nord de la province, ce qui pourrait entraîner des séparations à l'infini.

Quel avenir donc pour le Kosovo ? Si demain, l'indépendance est accordée, l'Europe peut craindre une vague de revendications séparatistes et une rupture brutale avec la Serbie qui ne peut admettre ce qui apparaît pour elle comme une amputation de son patrimoine et de son territoire. Si au contraire, l'émancipation des Albanais du Kosovo se voit frustrée, la communauté internationale peut se retrouver comme dans les années 90 face à un regain de violence intercommunautaire et à la résurgence du terrorisme séparatiste de l'U
ÇK. Quoi qu'il arrive, il ne se passera rien sans frustration, déception et mécontentement.

mercredi 26 décembre 2007

La Laïcité selon M. Sarkozy

Le 20 décembre 2007, Nicolas Sarkozy a été fait chanoine d'honneur de la basilique St-Jean de Latran par le pape Benoît XVI lors d'une cérémonie au Vatican. Cette distinction honorifique est réservée aux chefs d'Etat français depuis Henri IV et rappelle un peu celle de la co-principauté d'Andorre, partagée avec l'évêque d'Urgell. Lors de son discours au cours de la cérémonie, le président de la République a rappelé sa conception chrétienne des racines de la France et de la laïcité dans notre pays.

D'après M. Sarkozy, il est nécessaire aujourd'hui d'assumer les racines chrétiennes de la France et même de les valoriser. Cette position du chef de l'Etat n'est pas nouvelle, au ministère de l'Intérieur il s'était déjà prononcé en faveur de la reconnaissance dans le préambule de la Constitution européenne des racines chrétiennes du Vieux Continent. Pour lui, nier ce fait c'est nier sa culture, son histoire et son patrimoine. Il a d'ailleurs affirmé que la laïcité n'a pas le pouvoir de couper la France de ses racines religieuses.
Le président défend l'idée d'une "laïcité ouverte" vers les religions qui d'après lui doivent participer à la vie publique. Position déjà défendu dans son livre paru en 2004 La République, les Religions, l'Espérance. Nicolas Sarkozy voudrait s'inspirer du modèle états-unien, c'est-à-dire d'un Etat neutre vis-à-vis des cultes tout en les reconaissant et en les admettant dans la sphère publique. Ce qui va à l'encontre de la conception française de la laïcité établie en 1905 où l'Etat se doit d'ignorer les mouvements religieux afin de garantir la liberté de culte, l'égalité de tous et d'empêcher l'ingérence religieuse dans la vie politique.

Dans son discours, probablement écrit par son éminence grise Henri Guaino, on peut y lire un révisionnisme historique du passé de la France, et plus largement de l'Europe. Affirmer que les racines de la France sont chrétiennes est un peu osé et maladroit quand on connait le brassage ethnique et culturel qu'a connu l'actuel territoire national depuis plusieurs millénaires. Même s'il est vrai que le christianisme a contribué à la définition culturelle de la France, il est tout aussi important - si ce n'est plus - de souligner les racines païennes du pays et surtout l'influence des Lumières au XVIIIème siècle. Car en effet ce n'est pas un hasard si Noël (qui commémore la naissance de Jésus-Christ) coïncide avec la fête païenne de la "renaissance du Soleil" c'est-à-dire du solstice d'hiver, si la Toussaint (théoriquement fête des "tous les saints") se lie avec l'antique fête celte des morts perpétuée dans le monde anglo-saxon par Halloween, si les saints chrétiens et autres saints patrons s'identifient curieusement avec les ex-divinités du paganisme, etc. Et on pourrait trouver bien d'autres exemples qui prouvent que la culture païenne est toujours présente en France et en Europe, issue d'un synchrétisme pagano-chrétien. Deuxièmement, l'influence de la philosophie des Lumières semble avoir un rôle tout aussi important si ce n'est plus dans la culture nationale. En combattant le fanatisme et la superstition, elle est à l'origine de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et de la séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905. Elle est à la base du concept républicain de la laïcité.
La laïcité consiste à exclure les pouvoirs religieux de l'exercice du pouvoir politique ou administratif (cf. définition de l'encyclopédie Universalis). En France elle permet en niant la religion l'égalité de tous et la liberté de croire ou de ne pas croire. Lorsque M. Sarkozy critique l'intransigeance laïque en faveur d'une laïcité ouverte vers les religions, il condamne la liberté de ne pas croire. Car si la liberté de culte garantit à chacun l'exercice de sa religion, la laïcité permet en plus la liberté de croire ou non. Elle cantonne la religion à la sphère privée.

En bref, cette rencontre entre le président français et le souverain pontife illustre le décor de ce qu'on appelle la sarkozye mêlant gratin médiatique et hautes sphères de l'Etat assortie du copiage des Etats-Unis, le tout devant les caméras, outils indispensables au régime actuel.

Désinformation sur le Venezuela

Le 2 décembre 2007, les électeurs vénézuéliens ont rejeté la réforme constitutionnelle du président Hugo Chávez par 51% des suffrages exprimés pour le "non" contre 49% pour le "oui". Le président vénézuélien, élu en 1998 et réélu en 2006 a connu sa première défaite électorale depuis son arrivée au Palais de Miraflores, la résidence présidentielle. La réforme de la Constitution "bolivarienne" en vigueur depuis 1999, prévoyait la modification de plusieurs articles (69 très exactement sur les 350 que possède le texte constitutionnel) en vue de transformer la république bolivarienne en république socialiste. D'ailleurs, le président a unifié en 2006 au sein du PSUV, le parti socialiste unifié du Venezuela, l'ensemble des forces qui le soutenaient depuis son arrivée à la tête du pays. Le chef de l'Etat se réclame du socialisme du XXIème siècle axé selon ses partisans sur la libération du continent sud-américain de l'ingérence états-unienne, sur la recherche d'une alternative à la mondialisation économique, sur la création d'une solidarité interaméricaine et sur l'émergence d'un monde multipolaire entre autres. Selon ses détracteurs, les chavistes, comme on les appelle désormais, veulent transformer le Venezuela en dictature en transformant le pays en république socialiste, en nationalisant des entreprises privés, en supprimant la liberté de presse et d'expression et en constituant un front anti-démocratique avec Cuba, l'Iran voire la Corée du Nord ou la Libye.

Toujours est-il que les médias occidentaux voient en Chávez un dictateur au passé évocateur (deux tentatives de coup d'Etat dans les années 90) et à l'aspect guignolesque (démonstration de chant devant l'Elysée lors de sa visite à Paris, conversation triviale avec Fidel Castro). A l'annonce de sa défaite du 2 décembre, la presse et les chaînes de télévision ont vu là une victoire de la démocratie sur la dictature chaviste. Continuellement la réforme constitutionnelle est très rapidement résumée comme illimitant le nombre de mandats présidentiels, comme censurant la presse en cas de crise, et comme instaurant une économie collectiviste au sein d'un Etat socialiste.

Or, en se penchant un peu plus sur cette infructueuse tentative de passage par les urnes à une dictature (premier paradoxe) on s'aperçoit rapidement qu'on crie au loup un peu trop vite. En ce qui concerne le nombre illimité de mandats, nous rappellerons au passage qu'il n'y a pa de limitation dans beaucoup de pays démocratiques et libéraux (la France par exemple) et qu'une limitation n'est pas pour autant un facteur de démocratie. Au Mexique la limitation à 6 ans n'a pas empêché la mainmise du PRI (parti révolutionnaire institutionnel) sur la vie politique du pays pendant 60 ans de 1940 à 2000.

Dans le cas de la censure de la presse en cas de crise, il est utile de rappeler que les médias vénézuéliens très polarisés, ont soutenu et même pratiquement lancé le coup d'Etat de 2002 contre le président Hugo Chávez (cf. le documentaire irlandais La Révolution ne sera pas télévisée). De plus rappelons qu'en France l'article 16 de la Constitution de 1958 relatif au pouvoir du Président autorise celui-ci en cas de crise à prendre des mesures exceptionnelles, notamment celui - d'après l'ordonnance du 15 avril 1960 - de censurer la presse, la télévision et la radio.

Pour ce qui est du terme "socialiste", rappelons qu'en France un parti se qualifie comme tel et n'a rien d'effrayant. La définition de ce mot varie selon les époques et les régions, il n'est pas plus dictatorial que l'expression de "république bolivarienne". La transformation de l'économie passe en réalité par l'interdiction des privatisations et la limitation du nombre d'heures de travail quotidien à 6 heures : rien finalement de très communiste.

Enfin pour terminer, il est intéressant de remarquer qu'une dictature ne perd pas ses référendums. Paradoxalement, la défaite électorale de Chávez est un triomphe sur la scène internationale puisqu'elle démonte les accusations plus ou moins justifiées de dictature et prouve qu'il existe une opposition cohérente dans ce pays.

Pourquoi ce blogue ?

Depuis quelques années, nous assistons à l'uniformisation des médias, souvent contrôlés par de grands groupes financiers qui tendent à propager leur vision des choses. En France, par exemple, une grosse partie de la presse et des chaînes de télévision sont aux mains d'un avionneur (Lagardère), d'un fabriquant d'armes (Dassault) ou d'un opérateur téléphonique (Bouygues). Inutile de préciser la ligne éditoriale plus ou moins imposée. De plus, les principaux canaux d'information ont pris de plus en plus l'habitude de se référer uniquement aux dépêches de grandes agences de presse comme AFP sans chercher à aller plus loin que leur contenu. Ce qui fait que chacun diffuse la même information sans chercher à comprendre c'est-à-dire à aller au-delà du déjà commenté. C'est pourquoi nous avons décidé de créer ce petit bloc-notes afin de donner et de présenter l'information autrement et d'aller plus loin que ce qu'on peut nous laisser comprendre.

De plus nous affichons la volonté d'exclure de nos pages les anglicismes, c'est-à-dire les mots abusivement empruntés à l'anglais, et d'utiliser le terme "états-unien" et non celui d'"américain" réservé aux habitants de l'Amérique, aussi bien ceux du Brésil que ceux des Etats-Unis. Nous tenons aussi tout particulièrement à préciser nos sources qui garantissent la véracité de nos informations.